Soy mucho mas dédié à Marie-Ange Todorovitch 1. Soy mucho mas 2. Amo en ti C’est la rencontre avec la poétesse Eyda Machin, originaire de cuba, une femme généreuse et enthousiaste qui m’a donné envie d’écrire ces nouvelles mélodies. Un soir, après un concert, autour d’une table et d’un verre de l’amitié, Eyda m’a lu ses poèmes. J’ai été pris par ces mots, séduit par la force des images… Ces poèmes parlent de l’amour et de la mort. J’avais écrit le cycle de mélodies «Un brasier d’étoiles» quelques années auparavant sur des poèmes d’amour d’Alain Borne. Je trouvais intéressant de composer à nouveau des mélodies sur le même thème de l’amour, mais cette fois avec les mots d’une femme : «Les poèmes confrontent le lecteur aux sentiments d’une femme qui connait les abîmes de l’existence humaine. La coexistence de l’amour et de la mort se manifeste dans une grande richesse d’images qui nous offre beaucoup plus que de simples apparences. Il se découvre une femme expressive qui constitue la force essentielle de cette poésie. Un vaste territoire de la langue érotique est utilisé». Ces poèmes sont écrits en langue espagnole (et édités en version trilingue : espagnol, allemand, français). J’ai choisi les mots espagnols. Je voulais, par la musicalité des mots, capter les couleurs musicales et rythmiques des musiques espagnoles et latino-américaines. Une liberté d’écriture où prime un lyrisme à la fois rythmique et sensible (Benito Pelegrin) Presse Deux créations du compositeur Lionel Ginoux, présent dans la salle, sur deux poèmes en espagnol d’Eyda Machín présente aussi, deux commandes de Marie-Ange Todorovitch, toujours soucieuse de défendre la musique d’aujourd’hui, que ce soit des opéras contemporains de Marseille à l’Opéra du Rhin (L’Amour de loin, Colomba, Quai ouest) en passant par Salzbourg. Le premier texte d’Eyda Machín, Soy mucho más, ‘Je suis beaucoup plus’, donnait son titre au récital et développe cette phrase reprise à chaque début de vers, en anaphore. C’est une longue plainte ou complainte qu’au XVIe siècle, on eût qualifiée de blason du corps féminin divisé, décliné en « bouche, yeux, seins, jambes, mains, langue », que le poème reprendra en résumé vers sa fin, avec cette différence que tout ce qui valorise par parties le corps, non de la Dame de l’amant courtois mais la femme physique concrète, est ici défendu par la narratrice en protestation contre les « sales désirs » de l’homme profanateur qui la dévalorise et semble la réduire à l’objet, contre quoi, révoltée, elle affirme « Je suis beaucoup plus que… » (mais on se demande alors pourquoi elle le tolère…). Une autre anaphore plus courte de quelque vers, « Je suis… », sera l’affirmation presque panthéiste, cosmique, de ce qu’elle estime être. Poème d’un grand souffle, avec des jeux de sons et de rythmes. Sans connaître l’espagnol (mais en connaissance et de son amie poétesse qui lui en fait lecture et traduction), Ginoux part donc du mot, du matériau sonore, plus du son que du sens, approche sensuelle, séduit et conduit par la rythmique et la musique de cette langue qu’il exalte sans aucune faute d’accent. Comme il nous le confiera, il tisse d’abord au piano un tapis d’accords à trois sons aux deux mains, consonants ou dissonants, en fort contrastes souvent. Dans un ostinato d’abord endiablé, très fièvreusement dansant, cubain finalement, il pose une mélodie polymodale et la voix, dans un ambitus naturel, élève ses protestations véhémentes dans une sorte de combat contre l’effervescence adverse du piano avant de le vaincre dans la seconde partie affirmative, de le réduire presque au silence, à des nappes harmoniques, à des cadences largement arpégées, trouées de vides, qui semblent acquiescer en douceur au triomphe final absolu de la femme. Bien plus bref, le second poème, Amo en ti, ‘J’aime en toi…’, toujours construit sur l’anaphore de ces premiers mots, après cette verve vibrante de révolte, est une plage de paix où la voix de Marie-Ange fait miroiter en finesse les facettes fruitées de son timbre velouté dans le médium, soyeux dans l’aigu, moiré, dans une sensible volupté de l’art du chant et du mot, du phrasé, dans une diction remarquable. Benito Pelegrin
poèmes de Eyda T. Machin
Marie-Ange de feu
Lionel Ginoux, vit et travaille à Marseille. Jeune encore, il a déjà une œuvre abondante derrière lui jouée en France et à l’étranger, pour orchestre (symphonies, concertos), chœur, ensemble instrumental, opéras de chambre (Vanda, Médée Kali, dont la créatrice de ce dernier, Bénédicte Roussenq, somptueux soprano, assiste au concert) et de très nombreuses mélodies et, entre autres, un disque récent de son Brasier d’étoiles par la soprano Jennifer Michel avec Marion Liotard au piano. Sans être inféodée à aucune école, son œuvre, aux formes très diverses, se caractérise par une liberté d’écriture où prime un lyrisme à la fois rythmique et sensible.
1 mezzo-soprano durée 11′ création le 24 mars 2017, Marie-Ange Todorovitch mezzo-soprano, Marion Liotard piano // Féminin Pluriel, Château de Flaugergues, Montpellier prochaine représentation
1 piano
1er février 2018, Simona Caressa mezzo-soprano // Reims